Découvrir le Paris de la Révolution à pied (partie 2)

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La promenade dans le Paris révolutionnaire continue. Bien entendu, si vous n’avez pas lu la première partie, vous pouvez le faire dès maintenant.

Après avoir été de l’Hôtel de Ville à la place du Châtelet, la ballade sera ici bien plus longue. En effet, nous partirons de cette même place du Châtelet pour se rendre à la place de la Concorde. Mais ici, les lieux de visite sont plus espacés. Aussi cela vous permet d’apprécier la vue magnifique de Paris depuis la Seine que vous longez.

La Conciergerie, la prison du pouvoir

Depuis la place du Châtelet, traversez le Pont au Change. La tour de l’Horloge est l’emplacement même de la Conciergerie. Le bâtiment est parfaitement conservé et il est ouvert au public chaque jour. Il existe même un histopad, une tablette reconstituant un lieu à une époque donnée. Personnellement, j’adore ! Je conseille donc de visiter la Conciergerie si la période révolutionnaire vous intéresse réellement.

L’histoire de la Conciergerie avant la Révolution

La Conciergerie fait partie de l’ancien palais de la Cité, résidence et siège du pouvoir des rois de France, du Xe au XIVe siècle. Ce palais s’étend alors sur une grande partie de l’île de la Cité. Une partie du palais est transformée en prison d’État en 1370 et est appelée la Conciergerie. Le nom Conciergerie vient du fait que la garde du palais est confiée à un concierge.

La Conciergerie occupe le rez-de-chaussée du bâtiment bordant le quai de l’Horloge et les deux tours. Pendant la Terreur, la prison est considérée comme l’antichambre de la mort. Après l’abandon du palais par les rois de France, seule la prison conserva le nom de Conciergerie. Je ne parlerai que de l’histoire de la Conciergerie à l’époque de la Révolution française car il y a beaucoup à raconter.

La Conciergerie, lieu du pouvoir judiciaire

En 1789, le palais de la Cité abrite les principales institutions du royaume de France, dont le Parlement de Paris. En novembre, l’activité du Parlement est interrompue et remplacée par six tribunaux de district, dont un seul se trouve au sein du palais de la Cité. Mais le palais demeure le cœur du pouvoir judiciaire. En 1791, il abrite le Tribunal de cassation, appelé plus tard Cour de cassation, établi dans la Grande Chambre, ainsi que le tribunal pénal de Paris et les services de la police, des domaines et des finances.

À partir du 10 août 1792, date de la prise des Tuileries et du 21 septembre 1792, jour de la proclamation de la République, Paris vit une période d’insurrection accompagnée de massacres qui se sont intensifiés sous la Terreur. Le Tribunal révolutionnaire, étroitement lié à l’histoire du palais, est créé le 17 août 1792. Le 6 avril 1793, le Tribunal révolutionnaire s’est installé au premier étage. L’ancienne Grande Chambre du Parlement de Paris, renommée salle de la Liberté, et une deuxième chambre, dite Egalité, sont créées dans l’ancienne salle Saint-Louis. Le procureur général du tribunal (accusateur public), Fouquier-Tinville, aménage ses bureaux au même étage, entre les tours de César et d’Argent.

De 1793 à 1794, plus de 2700 personnes, dont Marie-Antoinette et Robespierre, comparent devant le Tribunal révolutionnaire. Tous les prisonniers détenus dans les différentes prisons de Paris, ainsi que dans certaines prisons de province et devant comparaître devant le tribunal, sont progressivement transférés à La Conciergerie.

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La Conciergerie en 1790 (P-G. Berthault)

La Conciergerie, prison des ennemis de la Révolution

Après la désaffectation du Grand Châtelet, la Conciergerie devant la prison terrible de la Révolution. Les cellules de la Conciergerie abritent plusieurs centaines de prisonniers, où les conditions de détention sont aggravées par l’insalubrité et la promiscuité.

Les détenus comparant devant le tribunal révolutionnaire et condamnés à mort ne retrouvent pas leurs cellules. Ils sont immédiatement été séparés des autres prisonniers et emmenés. Les hommes se trouvent alors dans le porte-greffe et les femmes dans de petites cellules du couloir central. Le jour de l’exécution, à l’arrivée du bourreau et de ses assistants, tous se rassemblent dans le vestibule appelé salle de la Toilette pour être dépouillés de leurs effets personnels, tondus et attachés. Gardés par des gendarmes, les condamnés, parfois plusieurs dizaines, traversent la salle des guichets et rejoignent la cour de mai, donnant sur la rue de la Barillerie, qui se trouve sur le boulevard du Palais actuel. C’est d’ici que les prisonniers attendent les charrettes qui devant les conduire à l’échafaud. En tout, 2780 prisonniers ont été guillotinés à Paris (Louis XVI, Marie-Antoinette, Danton, Robespierre, Charlotte Corday et bien d’autres).

Le nombre de condamnations des « ennemis du peuple » ne cesse d’augmenter jusqu’à la chute de Robespierre, notamment après le vote de la loi des suspects du 17 septembre 1794. Cette dernière ordonne l’arrestation de tous les ennemis de la Révolution, réel ou supposé. Les procès collectifs remplacent les procès individuels des grandes figures de l’époque. En 1794, des témoins et des avocats de la défense sont supprimés et, chaque jour, plusieurs dizaines de personnes sont guillotinées. C’est ce que l’on appelle la Terreur.

Robespierre est arrêté le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) et condamné à mort le lendemain par le Tribunal révolutionnaire. Ironie de l’histoire, la Conciergerie a accueilli tout le monde. Du roi à Robespierre, en passant par Danton, Saint-Just, Lavoisier et Marie-Antoinette. Tous les condamnés ont connu les geôles de la Conciergerie. Elle reste alors l’un des lieux les plus importants de la Révolution.

Le 12 prairial de l’an III (31 mai 1795), la Convention abolit le Tribunal révolutionnaire et la Cour de cassation s’établit au sein du palais. Après plusieurs réformes consulaires et impériales, l’administration judiciaire s’empare du palais, qui devient ensuite le palais de justice de Paris.

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La Conciergerie pendant la Révolution (image issue du jeu Assassin’s Creed, Ubisoft, 2014)

Le Pont Neuf

Pour accéder au Pont Neuf, vous longez le quai de l’Horloge, la Seine étant sur votre droite. Vous passez devant les deux tours de la Conciergerie et la Cour de cassation. Après avoir passé la place Dauphine, vous vous arrêtez sur le premier pont franchissant la Seine, le Pont Neuf.

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L’une des plus belles représentations du Pont Neuf (G. Canella, 1832). On y voit même Notre Dame et le Panthéon !

Certes, le Pont Neuf n’est pas vraiment lié à la Révolution. Néanmoins, il est sur votre chemin donc mieux vaut vous en parler !

Le Pont Neuf est, malgré son nom, le plus ancien pont existant à Paris. Il est construit à la fin du XVIe et achevé au début du XVIIe siècle. Le pont doit son nom à la nouveauté qui est alors un pont dépourvu de maisons et pourvu de trottoirs protégeant les piétons de la boue et des chevaux. C’est aussi le tout premier pont de pierre de Paris à franchir entièrement la Seine.

En juillet 1606, lorsque le pont est achevé, Henri IV décide de créer une place presque fermée avec des maisons à façades identiques – place Dauphine – entre le Palais de la Cité et la médiane située entre les deux culées du pont. Vous avez passé cette place juste avant d’arriver sur le pont.

Le 23 août 1614, quatre ans après l’assassinat du roi, la statue équestre d’Henri IV commandée par Marie de Médicis, est inaugurée. Elle est placée sur la médiane de l’île de la Cité. Elle est fondue avec les deux bas-reliefs des faces latérales pour fabriquer des canons en 1792 pendant la Révolution française. Les quatre statues d’esclaves ou de nations vaincues sont conservées au musée du Louvre. Sous la Restauration, à la suite d’un appel lancé par Louis XVIII, la statue est remplacée par une nouvelle statue équestre d’Henri IV. Elle est inaugurée en 1818.

La place du Louvre et l’église Saint-Germain l’Auxerrois

Une fois traversé le Pont Neuf, vous prenez le quai du Louvre sur la gauche et arrivez sur le palais du Louvre. Prenez la rue de l’amiral de Coligny sur la droite et arrêtez sur la place du Louvre. Elle est simple à reconnaître, c’est celle où se trouvent deux bâtiments identiques !

Ici aussi, peu de lien avec la Révolution, si ce n’est que la place se trouve en face du palais du Louvre.

L’histoire tragique de l’église Saint-Germain l’Auxerrois

Saint-Germain-l’Auxerrois est nommé en l’honneur de Mgr Germain d’Auxerre. Paroisse des rois de France en raison de sa proximité avec le palais, l’église est l’une des plus anciennes de Paris.

L’église est associée à l’épisode tragique de Saint-Barthélemy. Dans la nuit du 23 au 24 août 1572, son tocsin sonne l’alarme dans la ville et déclenche le massacre de civils protestants. Une des cloches, nommée Marie, datant de 1527, existe toujours. Molière s’est marié dans cette église en 1662, tout comme Danton en 1787.

L’église pendant et après la Révolution

Au début de la Révolution, après le retour forcé de la famille royale de Versailles aux Tuileries, le futur Louis XVII y fait sa première communion. Sous la Terreur, l’église est vidée de son contenu et transformée en un magasin de fourrage, une imprimerie, un commissariat de police et une usine de salpêtre.

Sous le Premier Empire, un projet de destruction de l’église, déjà initié sous le règne de Louis XIV par Colbert, afin de dégager la colonnade du Louvre est envisagé et puis abandonné au début de la Restauration. Sous le Second Empire, le baron Haussmann refuse à nouveau de la détruire, tandis que le ministre d’État, Achille Fould, le lui suggère. En effet, après la démolition des vieux bâtiments délabrés qui l’entourent, un vaste espace émerge devant la colonnade du Louvre et l’église se retrouve en relief sur l’une des faces, donnant un air disgracieux à l’ensemble. Cependant, protestant, le baron ne veut pas se faire reprocher d’avoir ordonné la démolition d’un bâtiment aussi symbolique dans lequel avait été donné le signal du massacre de Saint-Barthélemy.

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L’église Saint-Germain l’Auxerrois en 1858, au moment des discussions relatives à son futur

Haussmann développe ensuite un projet d’équilibre. Il demande à l’architecte Jacques Hittorff de construire un bâtiment inspiré de l’édifice religieux pour abriter la mairie du Ier arrondissement. Hittorff reproduit alors presque à l’identique la façade principale de l’église, un porche surmonté d’une rosace, qui flanque des bâtiments similaires à ceux de cette époque.

Entre les deux, Théodore Ballu construit un clocher de style gothique flamboyant, relié aux deux bâtiments par deux portes de même style donnant accès à une place séparant les deux monuments. Ce complexe architectural a été construit entre 1858 et 1863.

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La place du Louvre en 1870, avec la mairie du Ier arrondissement à gauche. Les deux bâtiments sont séparés par le clocher évoqué

Enfin, évoquons rapidement les colonnades du Louvre. Elle forme la façade du palais du Louvre (aile Sully). Conçues par l’architecte Claude Perrault, construites entre 1667 et 1670, elles sont considérées comme l’un des chefs-d’œuvre du classicisme français.

Le palais du Louvre

Inutile de vous dire où aller ensuite, le Louvre étant un bâtiment assez voyant ! Entrez par les colonnades, restez un peu sur la Cour carrée et allez autour de la Pyramide. Le Louvre n’occupe pas une place essentielle pendant la Révolution française. Il est néanmoins le lieu de rassemblement du peuple. Chose qui peut étonner étant donné son passé royal…

La construction du Louvre est liée à l’histoire de Paris. Elle s’étend sur plus de 800 ans, bien que le plan général du palais ait été imaginé depuis la Renaissance. S’étendant sur une surface bâtie de plus de 135 000 m2, le Louvre est le plus grand palais européen. L’origine du nom du Louvre est une source de débat parmi les historiens.

Le Louvre jusqu’au règne de Charles V en 1364

Le Louvre médiéval, de Philippe Auguste à Henri IV, occupe le quart sud-ouest de l’actuelle « cour carrée ». Ainsi, en allant sur la cour par le pavillon Sully (les colonnades), le château médiéval du Louvre occupe la partie immédiatement à droite.

C’est en souhaitant renforcer la défense de la ville de Paris, afin d’en faire le centre politique et religieux du royaume, que Philippe Auguste s’engage à construire une grande enceinte entourant la ville au moment où il décide de prendre part à la Troisième croisade avec Richard Cœur de Lion. Le Louvre est situé à l’ouest de Paris. Il est particulièrement nécessaire de consolider ce côté de l’enceinte considéré comme le plus exposé, au bord de la Seine, face à la Normandie.

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Le Louvre sous Charles V (Hoffbauer, 1380)

Le nouveau Louvre : résidence royale et rêve du Grand Dessein

Charles V est le premier monarque à créer une bibliothèque royale. À cette fin, il dispose de tous les livres qu’il peut rassembler dans la tour nord-ouest du Louvre, anciennement connue sous le nom de tour de la Fauconnerie. Il y a alors des livres de toutes sortes. Les plus importants sont des bibles latines ou françaises. La plupart de ces livres étaient recouverts de riches tissus et illuminés avec beaucoup de soin.

En 1527, François Ier décide de faire du Louvre sa résidence principale à Paris. Il fait démolir le donjon et confie à l’architecte Pierre Lescot le projet de construction d’un palais moderne dans l’esprit de la Renaissance. Si, à la mort du roi, le projet vient à peine de commencer, son fils Henri II décide de faire poursuivre les travaux en maintenant sa confiance en Lescot. Ce dernier a déjà fait construire en quelques années la prestigieuse aile centrale abritant la salle de bal. Par la disposition de sa décoration architecturale et le succès qu’elle remporte, cette aile s’impose très vite comme un manifeste de l’architecture de la Renaissance française.

Le renouveau continue avec la construction du pavillon royal abritant les appartements et l’aile sud qui surplombe la Seine. Le projet du nouveau Louvre est ralenti par les guerres de religion et une grande partie du château médiéval reste en place. À partir de 1564, la reine Catherine de Médicis favorise la construction d’un nouveau palais et d’un grand jardin d’agrément sur le site qui lui a donné son nom, le palais des Tuileries. Le Louvre, résidence principale du roi depuis le règne d’Henri III, devient un espace sacré où s’exerce le pouvoir monarchique, un lieu de divertissement et un théâtre d’événements historiques.

Arrivé à la tête d’un pays ruiné en 1589, Henri IV, assisté de son ministre Sully, prend des mesures immédiates pour apaiser le conflit religieux qui ensanglante la France. En prenant le contrôle des affaires politiques, le nouveau souverain donne en même temps un nouvel élan au chantier de construction du Louvre, dans sa volonté de relance économique par de grands travaux d’édifice. Cette volonté d’agrandir le Louvre, qui prend le nom de Grand Dessein, s’accompagne d’un réaménagement du quartier environnant. Les objectifs principaux sont l’enlèvement des vestiges du Louvre médiéval, la construction d’une cour carrée sur la base de l’aile Lescot déjà construite et la réunion du Louvre au jardin des Tuileries.

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Le Grand Dessein du Louvre, un projet de réunion des ailes du Louvre avec le palais des Tuileries

Le Louvre abandonné par le roi mais repris par le peuple

Le Louvre est abandonné par Louis XIV au profit de Versailles. L’aristocratie désertant l’endroit, une nouvelle population plus pauvre s’y installe. Le Louvre perd peu à peu sa dimension symbolique. Il est épargné par la haine des foules révolutionnaires. S’il n’appartient plus au rite monarchique, il n’appartient pas encore au peuple. Ce sera bientôt le cas, par l’intermédiaire du musée qu’il deviendra.

La réouverture a eu lieu en février 1794, lorsqu’un afflux d’œuvres provenant des saisies révolutionnaires complète le musée. Un conservatoire, dirigé par le peintre Jacques-Louis David, est créé avec pour mission de protéger, sélectionner, exposer, rédiger un catalogue et de marquer les œuvres. Le Louvre, le palais des rois, devient, par la volonté de la Révolution, une leçon d’ouverture d’image civique. Il est aussi l’instigateur d’une nouvelle réflexion sur les notions d’histoire de l’art et de la muséographie.

La pyramide étant une oeuvre contemporaine de 1988 n’ayant rien à voir avec la Révolution, inutile de l’évoquer en détails.

La suite

Voici la troisième partie pour ceux qui veulent enchaîner !

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